Plaidoyer pour une révolution de l’activité physique à l’école


Les enfants du XXIe siècle ont perdu plus de 25% de leurs aptitudes physiques par rapport à ceux de la fin du XXe siècle.

Les recommandations actuelles de santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour les enfants et adolescents de 5 à 17 ans, sont de pratiquer une activité physique (AP) modérée à élevée à raison d’une heure par jour. Mais rares sont les jeunes qui respectent ces conseils de bonne santé, notamment en France. Notre pays, plutôt cancre en la matière, se situe à la 119e place, sur 146 pays étudiés, avec 82,4% des garçons et 91,8% des filles qui ne respectent pas ces recommandations de santé. Ces données récentes ne sont pas étonnantes puisque nous constatons depuis plusieurs années la baisse de la capacité physique des enfants et des adolescents. En effet, faute de pratique régulière, les enfants du XXIe siècle ont perdu plus de 25 % de leurs aptitudes physiques par rapport à ceux de la fin du XXe siècle.

Sachant que la mesure de la capacité physique est le meilleur marqueur de santé, nous sommes, aujourd’hui, face à une urgence sanitaire. D’ailleurs, une étude américaine confirme que la génération des millennials, nés entre 1981 et 1996, est en moins bonne santé physique et mentale que la génération précédente. En effet, entre 2014 et 2017, la proportion d’hypertendus a augmenté de 16 % et le taux de dépressions a connu une hausse de 31 %.

Les villes moins accessibles à la marche, les inquiétudes à propos de la sécurité dans les rues, la rareté des aires de jeux, la paresse naturelle incitant à minimiser les efforts paraissant inutiles et, surtout, la révolution numérique ont exclu l’activité physique de la vie quotidienne des enfants. La surexposition aux écrans (ordinateur, console de jeux, télévision), qui vole du temps pour d’autres activités essentielles, entraîne un autre facteur de risque, la sédentarité, définie par le temps cumulé dans la journée en position assise, qui ne doit pas dépasser 8 heures. La physiologie des enfants et des adultes ne peut pas s’adapter immédiatement à ce bouleversement d’environnement qu’il faut donc rapidement améliorer pour que les générations actuelles et futures aient une vie plus active et saine.

On sait que l’activité physique doit être pratiquée tous les jours, puisque son effet positif ne dure que 24 à 36 heures. On sait aussi que les temps de sédentarité devant un écran peuvent doubler les jours sans école. Enfin, nul n’ignore que les repères, les saines habitudes de vie, doivent être donnés dès le plus jeune âge, sinon les alertes initiées par les institutions, les médecins, etc. seront beaucoup plus difficiles à faire passer.

Alors, qui d’autre que l’école primaire peut prévenir ou minimiser cette crise de santé publique annoncée? Certes, l’éducation physique et sportive (EPS) est obligatoire dans notre système scolaire depuis le XIXe siècle, mais les chiffres sont têtus : 90 % des enfants ne sont pas suffisamment actifs. Il faut plus d’activités physiques quotidiennes dans le système éducatif actuel, d’autant que les catégories sociales les moins favorisées sont plus enclines à la sédentarité. L’école, par sa sous-dotation en activités physiques intégrées à ses programmes, ne réduit pas cette inégalité source d’une mauvaise santé dont les conséquences à moyen et long terme seront désastreuses, humainement et économiquement. C’est intolérable.

Expliquer les risques de la sédentarité

Nous ne sommes pas face aux anciennes préoccupations hygiénistes de l’EPS car les médecins, simples lanceurs d’alerte, ne décident pas de l’aptitude ou du niveau de pratique des élèves. Tous les enfants, sans exception, ont le droit d’être encadrés par des professeurs compétents et doivent pratiquer. Il ne faut plus se contenter d’«initiation à l’exercice physique», de «découverte du sport». Il faut certes expliquer les risques de l’inactivité physique et de la sédentarité, éduquer à la prévention, obtenir une adhésion, mais surtout pratiquer, tout simplement pratiquer. Tous les enfants doivent faire, chaque jour, durant tout le primaire, soixante minutes d’EPS. Outre la littératie physique, cette pratique quotidienne aura un impact au niveau psychique et intellectuel. Rassurons les «académistes», les études scientifiques sont claires, ces cinq heures hebdomadaires d’EPS, même prises sur l’enseignement habituel, ont un effet positif sur la réussite scolaire. Une récente étude de l’OMS le confirme. Mais il ne faut pas réduire le temps scolaire et laisser les enfants libres pour soi-disant pratiquer du sport extrascolaire car les heures de loisirs en dehors des heures de classe sont principalement utilisées pour des activités sédentaires. Ne nous y trompons pas, seules les heures de classe constituent une réelle occasion de promouvoir et de faire de l’activité physique.

Les solutions sont à portée de main: en premier lieu, assurer les trois heures d’EPS au programme, mais aussi créer des pauses actives en classe, revenir aux activités physiques naturelles, aménager les cours de récréation (sans être obnubilé par les problèmes de sécurité), sécuriser le périmètre périscolaire comme nous l’avons proposé dans le plan marche (Le Monde, 10 janvier 2019), utiliser les installations sportives existantes sans avoir peur d’une mutualisation public-privé. Pourquoi ne pas utiliser ce mur d’escalade ou cette salle de sport «privés» qui sont sous-utilisés à certaines heures? Cette mutualisation doit éviter des dépenses supplémentaires en infrastructures pour les communes, mais l’État doit prendre sa responsabilité financière car il s’agit d’un problème de société.

Il est grand temps d’agir. Ne laissons pas se développer chez l’enfant, en rien responsable, une nouvelle inégalité de santé intriquée dans le canevas des inégalités sociales.

Source : Le Figaro – https://www.lefigaro.fr