Quand le sport dope le mental


Une activité physique régulière réduit le stress, l’anxiété ou la dépression

Grâce au sport, ils ont surmonté un deuil, une blessure physique ou un chagrin d’amour, et en ont fait une force. Avant de devenir un joueur international de rugby, Christophe Dominici était un jeune homme plein de colère et de culpabilité, brisé par la mort de sa grande sœur. Il raconte aujourd’hui avoir trouvé un refuge dans son club.

Philippe Croizon, amputé des bras et des jambes après un accident, a puisé le courage de vivre dans un projet fou: traverser la Manche à la nage. Devenu hémiplégique après un accident de voiture à l’âge de 6 ans, Benoît Pinton a, lui, regagné ses capacités physiques et intellectuelles au prix d’un effort permanent. En 2011, il a participé parmi les valides au triathlon le plus difficile du monde.

Tous les trois témoignent de ce que le sport est un moyen de se reconstruire. « Ce qui est vrai pour les sportifs de haut niveau l’est pour tout un chacun », précise le Dr Philippe Bouhours, psychiatre. Si les bénéfices du sport sur la santé physique sont aujourd’hui scientifiquement bien établis, son impact sur la santé mentale a été moins étudié.

Rôle protecteur

Les recherches menées montrent qu’une activité physique régulière est efficace pour lutter contre le stress, l’anxiété, la dépression et même les addictions. Selon une étude française publiée dans la revue PLos One, l’anxiété généralisée affecte 6 % des sportifs de haut niveau, contre 14 % de la population française.
« L’activité physique joue un rôle préventif, en limitant le risque de survenue de la maladie mentale, souligne le Dr Pierre Lavaud, psychiatre à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Mais elle améliore aussi les symptômes après l’apparition de la pathologie et réduit le risque de rechute. » En favorisant la vascularisation du cerveau, le sport accentue en outre le développement cérébral de l’enfant et réduit le déclin cognitif à partir d’un certain âge.

Toutes les disciplines entraînant une dépense d’énergie jouent ce rôle protecteur, notamment l’endurance – course, nage, marche rapide. Le gain thérapeutique est optimal en cas de pratique d’une activité d’intensité modérée, trente minutes par jour, cinq fois par semaine.

Neurotransmetteurs et adrénaline

L’explication est en partie physiologique. Le sport augmenterait l’activité de neurotransmetteurs dans des zones cérébrales contrôlant les émotions et impliquées dans la survenue des maladies mentales. « Lorsqu’on entraîne son corps, on stimule son cerveau: on en a aujourd’hui la preuve grâce à la neuro-imagerie », souligne le psychiatre Boris Cyrulnik.

Selon le Dr Stéphane Cascua, médecin du sport, l’adrénaline explique aussi ce phénomène: « Le sport et le stress entraînent tous les deux la sécrétion de cette hormone. Quand on fait du sport, on s’entraîne au stress. Or plus on est résistant au stress, moins on risque de basculer dans la dépression. » On sait aussi que les sportifs ont une réduction de ces hormones au repos et une fréquence cardiaque ralentie.

Ainsi les sportifs sont-ils mieux préparés à affronter les moments difficiles de l’existence. « Le sport apprend à endurer sa souffrance pour atteindre un but, à apprivoiser l’échec et à maîtriser ses émotions négatives. C’est un entraînement irremplaçable, témoigne un ancien handballeur de haut niveau. Cela m’a beaucoup servi après mon accident de moto. »

Confiance en soi

En procurant un sentiment d’accomplissement et de maîtrise, le sport renforce la confiance en soi. Triathlète de haut niveau, Carl Blasco a connu une enfance douloureusement marquée par l’échec scolaire. Le sport lui a permis de se voir autrement. Auteur d’un essai de légende dans un match contre les All Blacks, lors de la Coupe du monde de 1999, Christophe Dominici, 1,72 m et 80 kg, s’est quant à lui prouvé « qu’un petit, pas très costaud et plein de défauts peut arriver à faire des choses bien ».

Selon une expertise collective de l’Inserm publiée en 2008, de nombreux travaux assurent que la pratique régulière d’une activité physique – 30 minutes d’activité modérée (marche rapide, gymnastique) cinq jours par semaine ou 20 minutes d’exercice de forte intensité (course, natation…) trois fois par semaine – augmente le niveau d’estime de soi.

« Elle réduit l’anxiété de la population générale adulte, peut-on lire dans ce document. Elle diminue le niveau de dépression de populations très diverses et devrait être proposée dans toute prise en charge de la dépression. » La présence d’un coach ou d’une équipe renforce les effets bénéfiques de l’activité physique.

Comme l’a souligné Boris Cyrulnik, lors d’un colloque sur la résilience par le sport organisé par Eurosport, « relier les cinq continents à la nage, faire gagner l’équipe de France ou simplement participer à un marathon sont des projets d’existence qui relancent l’élan vital ».

Le sport de haut niveau: un atout pour les handicapés

LES 4 200 ATHLÈTES qui ont participé aux XIVe Jeux paralympiques, du 29 août au 9 septembre dernier, sont unanimes: il y a bien un «avant» et un «après» Londres 2012 pour le handisport. L’événement imaginé en 1948 par le docteur Guttman, un neurochirurgien britannique, a connu cet été un engouement populaire sans précédent, avec plus de 2,7 millions de spectateurs. Ces Jeux paralympiques ont signé le grand retour du sport adapté et des déficients intellectuels en athlétisme, natation et tennis de table, pour un succès salué par sir Sebastian Coe, patron des JO 2012, himself:« Plus de 70 % des gens voient le handisport d’abord comme du sport de haut niveau. » Une reconnaissance méritée pour des sportifs handicapés mentaux, physiques ou visuels.

Source : Le Figaro – https://sante.lefigaro.fr