Face au cancer, « les gens qui pratiquent une activité physique ont moins de chance de rechuter »
En avril 2017, l’Institut Rennais de Chirurgie Orthopédique et de Médecine du Sport de Cesson-Sévigné s’est doté d’une unité de réathlétisation pour les malades atteints de pathologies lourdes. Hématologues et oncologues n’hésitent plus à envoyer leurs patients reprendre goût à l’effort. Les effets sur leur bien-être sont mesurables très rapidement. Entretien avec le docteur Raphaël Jallageas, médecin rééducateur fonctionnel et médecin de l’activité physique, à l’origine de ce projet.
Ce qui frappe quand on passe du temps avec les patients de cette unité de réadaptation, dans cette petite salle de sport finalement, c’est qu’on ne sent pas de gravité.
Il y a une gravité. Mais ici, on dédramatise. Cette unité a commencé à fonctionner en avril 2017. On l’a créée avec les hématologues. Je leur ai proposé ce projet et ça a tout de suite matché. On a commencé par une heure, deux heures, trois heures de séance avec des patients. Désormais, les créneaux sont pleins, toute la semaine. On accueille entre 100 et 120 patients. La demande est croissante depuis 2017. Les oncologues nous ont rejoints dans notre démarche. Le bouche-à-oreille a fonctionné, aussi, entre patients qui se retrouvent dans une salle d’attente et partagent leurs expériences. On est encore un peu limité par l’espace, mais d’ici un an on aura une belle salle de 200 mètres carrés. On a également ouvert le 1er novembre une antenne à Saint-Malo, même si on est un peu freiné par le Covid-19.
Les patients travaillent en petits groupes.
Pour être qualitatif, il faut faire des petits groupes. Le soir, c’est un peu plus chargé car on a les gens qui travaillent la journée. Mais, en moyenne, on a quatre patients par séance, encadrés par un enseignant en Activité physique adaptée (APA).
« Les patients sont moins fatigués, moins douloureux, moins déprimés »
Comment mettez-vous en place le protocole de réathlétisation ?
On fait, pour commencer, un bilan avec chaque patient : une épreuve d’effort avec une mesure de la VO2 (consommation d’oxygène), de la PMA (puissance maximale aérobie). Cela nous permet de leur faire, à chacun, un programme de réadaptation et réathlétisation, comme pour un sportif. C’est un peu moins poussé bien sûr, mais sur le fond, c’est le même protocole.
Quels sont les bienfaits de l’activité sportive dans le cas de vos patients ?
Sur le cancer, post-traitement, on s’est rendu compte que le sport est le seul médicament qui agit sur la fatigue. Les patients sont tous moins fatigués. Étant donné que la fatigue va de pair avec la dépression, ils sont tous un peu moins dépressifs. Face aux traitements de type chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, le sport est le seul traitement qui lutte contre les effets indésirables que sont les douleurs articulaires, musculaires, troubles de la sensibilité, etc. Tous les patients qui suivent notre protocole estiment qu’ils sont moins douloureux, qu’ils dorment mieux, qu’ils sont moins fatigués. Ils reprennent du poids, le poids qui est un facteur fondamental dans la maladie. Ils reprennent en masse musculaire, en force.
« Ça peut être redoutable un élastique »
Ils reprennent confiance en leur corps.
On les guide, oui, dans cette phase post-maladie. La reprise d’une activité physique peut d’ailleurs souvent faire peur aux médecins traitants de ces patients. À tort, car ils peuvent faire plein de choses. Ici, ils font du cardio, du renforcement musculaire type gainage, ils travaillent avec des élastiques, avec du petit matériel, mais ça peut être redoutable (sourire). Un élastique peut être redoutable. On sait aussi, désormais, que les gens qui pratiquent une activité physique ont moins de chance de rechuter.
Cette unité est comme un sas, finalement, avant de retrouver une activité indépendante.
En effet. Il ne s’agit pas ici de sport sur ordonnance. On est sur du réentraînement à l’effort sur des patients touchés par une pathologie chronique, il s’agit bien d’un acte technique médical. Nous, on les évalue, on les ré-entraîne et dès qu’ils sont aptes à faire du sport tout seul, on les transfère vers le sport sur ordonnance, qui ne marche pas encore assez bien dans notre système de santé par faute de financements et la difficulté à mettre en place des réseaux.
Source : Ouest France – https://www.ouest-france.fr